L’aménagement d’un véhicule ou l’acquisition d’un véhicule adapté permet aux personnes en situation de handicap de préserver leur liberté d’aller et venir, leur autonomie dans les déplacements, indispensable dans la vie personnelle et professionnelle, et participe ainsi à la préservation de leur dignité.
L’indemnisation des frais de véhicule adapté
Après avoir rappelé ce que recouvrent concrètement les frais de véhicule adapté, seront abordées successivement : les conditions de prise en charges, les méthodes de calculs et les évolutions jurisprudentielles.
Qu’est-ce que les frais de véhicule adapté (FVA) en cas de handicap ?
Définition
Les frais de véhicule adapté (FVA) sont un poste de préjudice patrimonial permanent prévu par la nomenclature Dintilhac qui prévoit que : « ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent. Il convient d’inclure dans ce poste de préjudice le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien. (…) En outre, ce poste doit inclure non seulement les dépenses liées à l’adaptation d’un véhicule, mais aussi le surcoût d’achat d’un véhicule susceptible d’être adapté ». Source
Quels équipements sont pris en compte dans les frais de véhicule adapté ?
En pratique, les FVA recouvrent les dépenses suivantes :
- Boîte de vitesse automatique
- Inversion des pédales
- Commandes au volant
- Rampe d’accès
- Élévateur
- Bras robotisé
Les FVA peuvent également prendre en compte des frais annexes :
- Un surcoût à l’entretien
- Un surcoût d’assurance
- Une consommation de carburant supplémentaire
- La nécessité de passer un permis adapté
Ces listes ne sont pas limitatives (source) et, conformément au principe de réparation intégrale, la situation de chaque victime doit être étudiée individuellement et concrètement afin de la replacer autant que possible dans la situation antérieure au handicap.
Le coût de l’acquisition d’un véhicule neuf adapté, et non du simple aménagement d’un véhicule préexistant, peut également être mis à la charge du débiteur de l’indemnisation.
Les personnes en situation de handicap disposent d’un choix important de véhicules adaptables : Peugeot 807, Peugeot Partner, Peugeot Expert, Peugeot Rifter, Volkswagen Caddy, Volkswagen Touran, Citroën C8, Citroën Berlingo, Citroën Jumpy, Mercedes Vito, etc.
Ces véhicules peuvent être équipés de dispositifs facilitant l’accès au volant tels que des sièges pivotants, des bras ou des treuils permettant de ranger le fauteuil dans la voiture.
Il existe également des carrossiers spécialisés qui proposent de transformer des véhicules afin de permettre un accès direct au volant, en fauteuil roulant, sans transfert (Renault Kangoo, Citroën Berlingo, Ford Tourneo Connect). La revue Faire Face, consacrée exclusivement au handicap et éditée par l’association APF France Handicap, a récemment publié un article complet sur ce sujet (source).
Quelles sont les conditions pour obtenir l’indemnisation d’un véhicule adapté ?
La victime qui souhaite obtenir une indemnisation au titre des FVA devra tout d’abord établir que l’aménagement du véhicule est lié à l’accident ou l’évènement à l’origine de son handicap.
Elle devra ensuite faire préciser, à l’occasion d’une expertise médico-légale, ses capacités actuelles de conduite, les aménagements indispensables pour la conduite autonome, le type de véhicule nécessaire, la possibilité ou non d’adapter un véhicule existant, etc.
Il est indispensable de se faire assister par un avocat et/ou un médecin conseil lors de l’expertise médicale, qu’elle soit amiable ou judiciaire, compte tenu des enjeux majeurs pour la victime, de la technicité des sujets abordés et de la dimension psychologiquement éprouvante d’une expertise impliquant de revivre les faits et d’en détailler les conséquences.
Des bilans d’ergothérapie ou des rapports d’équipementiers sont des éléments utiles à produire au stade de l’expertise pour préciser le besoin. La préparation des pièces qui seront présentées à l’expert avec l’aide d’un avocat et/ou d’un médecin conseil est nécessaire.
Comment est calculée l’indemnisation des frais de véhicule adapté ?
L’indemnisation se fonde sur le besoin objectif et réel, pas uniquement sur la dépense engagée. Des devis circonstanciés peuvent ainsi être pris en compte en l’absence de factures.
Cette solution de bon sens permet de ne pas pénaliser les victimes qui ne disposeraient pas des moyens pour acquérir un véhicule adapté à leur handicap avant d’avoir été indemnisée.
La méthode du surcoût entre un véhicule classique et un véhicule adapté
Pour un véhicule existant, le calcul porte sur la différence entre le prix d’un véhicule standard et celui d’un véhicule adapté disposant des aménagements techniques nécessaires.
Par exemple, il est habituellement retenu en jurisprudence que le surcoût lié à une boîte de vitesse automatique est compris entre 2 000 € et 3 000 € avec une nécessité de renouvellement tous les 5 ou 7 ans. La victime pourra alors prétendre à la prise en charge du surcoût initial mais également de tous les renouvellements sur les années à venir.
La méthode du coût total d’acquisition du véhicule adapté
Pour une acquisition nouvelle, le calcul prend en compte l’intégralité du coût d’achat et d’aménagement du véhicule adapté. L’indemnisation est fréquemment minorée du coût de revente du véhicule dont disposait la victime avant l’accident et qui ne peut plus être utilisé.
Par exemple, une personne disposant d’un véhicule dont l’argus est de 7 000 € et devant acquérir un véhicule adapté à 40 000 € pourra solliciter une indemnisation à hauteur de 33 000 €, à laquelle il conviendra d’ajouter les renouvellements sur les années à venir.
Quelle est la position de la jurisprudence sur l’indemnisation des véhicules adaptés ?
En pratique, les assureurs ou les fonds de garantie s’opposent très souvent à la prise en charge du coût d’acquisition d’un véhicule et la jurisprudence sur cette question est en demi-teinte.
Deux arrêts seront cités pour illustrer ce caractère fluctuant de la jurisprudence en la matière.
Jurisprudence favorable à la prise en charge intégrale du véhicule adapté
Dans un arrêt rendu le 23 avril 2024 (n° 23-81506) (lien), la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a censuré une cour d’appel qui avait rejeté la demande d’indemnisation du coût d’achat du véhicule adapté, un Kangoo adapté au transport des personnes à mobilité réduite (TPMR), au motif que le véhicule existant de type 4x4 permettait à la victime de transporter dans le coffre un fauteuil roulant manuel plié. Il ressortait pourtant du rapport d’expertise, et de l’arrêt de la Cour d’Appel, que la victime avait besoin d’un fauteuil roulant électrique. La Cour de Cassation a alors retenu un principe de prise en charge systématique du coût d’achat du véhicule TPMR lorsque l’expert a retenu la nécessité d’un fauteuil roulant électrique.
Jurisprudence limitant la prise en charge au seul surcoût
Dans un arrêt rendu le 19 décembre 2024 (n°23-16766) (lien), la Deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation n’a pas censuré une cour d’appel qui avait retenu que la victime ne pouvait prétendre qu’au financement du surcoût d’achat d’un véhicule adapté et de son renouvellement alors même que le véhicule de la victime, une Ford Fiesta, ne permettait pas l’introduction d’un fauteuil roulant motorisé. Cette solution, qui entre en contradiction avec l’arrêt du 23 avril 2024 précité, s’explique par le fait que la Cour de cassation n’était pas saisie d’une contradiction de motifs mais d’un défaut de base légal, et qu’elle ne pouvait dès lors pas porter atteinte à l’appréciation souveraine de la cour d’appel sur les faits soumis à son analyse.
Ces deux arrêts illustrent que la demande de prise en charge du coût d’acquisition d’un véhicule TPMR doit être préparée rigoureusement en amont de l’expertise médico-légale (ergothérapie, équipementier, devis) mais aussi devant les juridictions (évaluation du coût, utilisation des arguments pertinents validés par la jurisprudence, réponse aux arguments adverses).
Le Cabinet BENAYOUN & DEWAS, spécialiste dans l’assistance des victimes de préjudice corporel, intervient régulièrement dans ce domaine, en accompagnant les victimes dans la défense de leurs droits et en veillant à ce que le principe de réparation intégrale soit pleinement respecté.