La résistance abusive est une situation dans laquelle un débiteur conteste ou retarde de manière injustifiée l’exécution d’une obligation qui lui incombe alors même qu’il sait être en tort.
Les victimes de préjudice corporel, quel que soit le fait générateur à l’origine du préjudice, sont souvent confrontées à cette situation dans laquelle l’assureur, le fonds de garantie, ou tout autre organisme devant l’indemniser, refuse de le faire de façon injustifiée et difficilement compréhensible.
L’intérêt pour le débiteur récalcitrant est de conserver de la trésorerie tout en maintenant une pression sur la victime, avec l’espoir que celle-ci, lassée d’attendre l’indemnisation à laquelle elle a pourtant le droit le plus légitime, finisse par conclure un accord amiable qui permettrait de mettre un terme au litige rapidement, même si, en l’absence d’avocat, un tel accord lèse souvent les droits de la victime.
Résistance abusive des assureurs et autres organismes assimilés
Comment appréhender juridiquement cette pratique qui heurte le sens moral le plus élémentaire ?
Il existe un régime spécifique pour les accidents de la circulation qui ne sera pas abordé dans cet article.
Au-delà de ce cas spécifique des accidents de la circulation, il est possible de faire condamner un débiteur récalcitrant pour résistance abusive quoiqu’une telle condamnation soit difficile à obtenir.
Définition de la résistance abusive
Il n’existe aucune définition législative ou réglementaire de la résistance abusive en droit français. Les décisions se prononçant sur une demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive le font donc sur le fondement de l'article 1240 du Code civil qui dispose que :
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
- La cour d’appel de Toulouse a pu rappeler de manière synthétique que :
« La défense à une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que par suite d'un acte de malice ou de mauvaise foi »
(Toulouse, Chambre 3, Section 1, 6 mars 2007, n° 05/06439).
- La cour d’appel de Douai a pu rappeler récemment et de façon plus précise que :
« En application de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.
La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant. Pour autant, l'assuré pour compte ne rapporte pas la preuve du caractère dolosif ou malveillant de l'absence de présentation par la société X d'une offre d'indemnisation, ni la preuve que la résistance alléguée de celle-ci lui a causé un préjudice distinct du simple retard de paiement ».
(Douai, 3e chambre, 20 juin 2024, n°23/04071).
- La cour d’appel d’Aix-en-Provence a également pu rappeler récemment que :
« Selon une jurisprudence constante, la résistance abusive se définit par la contrainte pour une partie, d'intenter une action en justice, pour parvenir à ses fins. Il convient de préciser que l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive et injustifiée, suppose que soient caractérisés l'existence d'un abus dans l'exercice du droit de résister, ainsi que d'un préjudice subi en conséquence de cet abus, dont la charge de la preuve repose sur celui qui l'invoque ».
(Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 16 mai 2024, n°22/13322).
La lecture de ces différents extraits démontre que la résistance abusive est une notion jurisprudentielle complexe qui peut prendre diverses formes et dont l’appréciation est réalisée au cas par cas.
La preuve de la résistance abusive
Le succès d'une demande d'indemnisation pour résistance abusive suppose de prouver à la fois l’attitude dolosive ou malveillante de l’adversaire ainsi qu’un préjudice spécifique de la victime.
La charge probatoire qui repose sur la victime est d’autant plus lourde que, si le principe de son droit à indemnisation est fréquemment incontestable, l’étendue de ce droit, c’est-à-dire la somme qui sera attribuée à la victime en réparation de ses préjudices, demeure incertaine jusqu’au jugement.
S’agissant de l’attitude dolosive ou malveillante de l’adversaire, compte tenu de l’incertitude qui existe sur l’étendue du droit à indemnisation, c’est surtout dans le cas d’une demande de provision à laquelle il ne serait pas fait droit que la victime pourrait établir le comportement fautif de son adversaire.
S’agissant du préjudice de la victime, compte tenu de l’incertitude qui existe sur l’étendue du droit à indemnisation, il est délicat de demander à ce que le débiteur soit condamné à payer des intérêts de retard puisqu’une telle demande suppose que l’assiette des intérêts soit précisément déterminée.
Ces obstacles conduisent ainsi parfois au rejet des demandes de dommages-intérêts fondées sur la résistance abusive et il est donc indispensable de bien articuler et justifier ce type de demandes.
Elles sont en effet utiles afin de rétablir la victime dans ses droits et de ne pas laisser impunie une pratique injuste et tristement courante de rétention des indemnisations par les assureurs ou autres débiteurs assimilés.
Le Cabinet BENAYOUN & DEWAS, spécialiste dans l’assistance des victimes de préjudice corporel, obtient régulièrement des indemnisations majorées en raison du refus injustifié opposé à des victimes.